Propos


« J’aime l’idée que l’on ne maîtrise pas tout »

 

Avant toutes choses, 

Un jour alors que j’avais entre 6 et 8 ans, j’étais assise en haut de l’escalier qui donnait sur l’atelier. Mon père était en bas, les nerfs commençaient à lui monter quand soudain la rage prit le pas et c’est à ce moment là que de toutes ses forces il enfonça son pied dans l’une de ses toiles en cours. J’ai d’abord eu très peur, je suis restée à l’écart tellement la puissance de l’acte était terrifiante. 

   Le chaos

Souvent mon père m’en a parlé comme quelque chose de fort. Une voie sans issue dans laquelle il s’était engouffré sans arriver ni à casser le mur en face ni à faire demi-tour. L’impuissance humaine, face à la création. L’incompréhension de quelque chose qui ne cherche pas à être compris. Soit on empire ce que l’on est en train de réaliser soit on en fait un chef d’œuvre. Le reste est de l’ordre très certainement du psychique ou du cosmique…
Pourquoi pas les deux. 

Lorsque j’étais enfant, toujours dans la même tranche d’âge, mon père travaillait de nuit (livraisons pour Var-Matin). Il est arrivé quelques fois où il me réveillait et m’emmenait avec lui sur un point culminant pour me montrer ce qu’il se passe au dessus de nous, la nuit, lorsque tout brille et que tout peut peut-être prendre sens, parce que tout bouge. C’était la période de la comète.

 

J’imagine que tous les enfants n’ont pas eu la chance qu’on leur montre ce que cela pouvait être et à quoi cela ressemblait. Il aimait m’éveiller sur ce genre de chose.

   Le Cosmos

Non, Patrick Maury ne peint pas les étoiles, même s’il est évident que sa peinture est de l’ordre du cosmique. Je pense plus précisément que sa peinture représente la vie et non pas l’image que l’on s’en fait par exemple, « le ciel ». Mon père s’interroge chaque jour sur la vie et ce qui l’entoure. Au plus près de la vérité, je pense que c’est ainsi qu’il voit chaque particule qu’il rencontre. Son interrogation sur notre monde se fait forte, sur son origine, sur son avenir, sur l’humanité qui l’habite et qui le détruit aussi. Voilà ce qu’il y a dans sa peinture. Le monde dans son intégralité. C’est pour cela que sa peinture fait miroir avec le cosmos, avec ce qu’il y a au-dessus de nos têtes chaque nuit.

Rien de pire que ce vaste inconnu qui pourtant me ressemble.

Plus concrètement,

Goutte-à-goutte la peinture est projetée sur la toile. Du bleu nuit au blanc titane, ce contraste de couleurs crée une atmosphère picturale profonde, captivante. La matière est visible. Les couches se craquellent ou se fripent avec le temps et il n’est pas rare de voir une toile pleurer son huile.

Les toiles de Patrick Maury sont vivantes, imposantes, elles transforment l’endroit où elles se trouvent. Bombées par les couches de pigments et d’huile, elles viennent à nous et capturent la lumière leur donnant une dimension différente au fil des heures.

S’il sait donner de la force à sa peinture grâce à l’acharnement, Patrick Maury nous met face à la puissance du geste par sa mine de plomb, son crayon gras ou encore ses fusains. Précise, comme répétée au préalable, la gestuelle ne cherche qu’à être expressive. Adoucie et colorée par l’aquarelle, la forme est fixe et le fond dissipé, le tout représente l’équilibre rationnel et visuel que recherche inlassablement le peintre.

J’ai choisi deux de ses citations pour incarner cette partie de son travail.

 

J’aime l’idée que l’on ne maîtrise pas tout. »
« Plus petit le problème est, plus grande sera la vérité

 

Je finirai cet avant-propos par quelques mots concernant l’écriture. Depuis des années, Patrick Maury s’est laissé envahir par le monde des pensées intuitives et spontanées. C’est souvent sous forme de vérité que lui viennent ces phrases, comme des prises de conscience qui peuvent donner libre cours à votre imagination, à la même hauteur que l’offre sa peinture.

La lune est totalement pleine ; je me regarde.

Maintenant, c’est à vous de regarder.

 

À mon père,
Marie-Sophie Maury